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Partir ou rester ?
Changement climatique dans le Haut Mustang et stratégies d'adaptation
Le changement climatique a un impact important sur le régime des eaux dans la région de l’Himalaya. En particulier, certains villages du Haut Mustang sont confrontés à un risque accru de glissements de terrain et d’inondations pendant la mousson et à une diminution significative de la quantité d’eau disponible pour l’irrigation des champs au printemps, en raison d’une réduction des réserves de neige dans les montagnes. Cette situation a incité trois villages à considérer de se déplacer vers des zones plus fertiles et plus sûres.
Considérant que la relocalisation d’une communauté entière soulève de nombreuses questions (sentiment d’appartenance, conflits pour l’accès aux ressources, distribution des nouvelles terres, etc.), et qu’elle peut être plus complexe qu’initialement imaginée, ce projet vise à identifier la stratégie la plus appropriée et la plus durable pour faire face au défi climatique, en répondant à la question suivante : « est-il approprié de relocaliser tout un village ou non ? Si oui, dans quelles conditions cela peut-il être réalisé avec succès ? Dans le cas contraire, quelle est l’alternative pour résoudre les problèmes sur place ? ».
Dans un premier temps, Kam For Sud, en collaboration avec l’Institut des Sciences de la Terre de la SUPSI et la Lo Mustang Foundation, a donc étudié la situation dans trois villages gravement touchés par la crise de l’eau : Samdzong, Yara et Dheye. Un groupe de travail pluridisciplinaire a analysé les possibilités d’atténuer les pénuries d’eau et les risques naturels au moyen d’interventions techniques sur place, en étudiant les données et les modèles météorologiques et climatiques et en comparant un certain nombre de paramètres de l’endroit d’origine avec le site de relocalisation prévu. Toutes les familles concernées ont également été interpelées afin d’évaluer aussi les aspects socioculturels.
Les trois villages de Samdzong, Yara et Dheye dépendent des sources d’eau d’origine nivale. Or, en raison du réchauffement climatique, il y a de moins en moins de neige, et comme les ressources en eau disponibles sont déjà pleinement utilisées, il n’y a pas de marge pour compenser la réduction de la masse neigeuse. Le groupe de travail a identifié des mesures techniques pour améliorer les captages, réduire les pertes le long des canaux d’irrigation et améliorer la méthode de distribution de l’eau aux différents terrains, ce qui permet un gain d’eau significatif. Cependant, l’étude des données et des modèles climatiques a fourni un scénario dramatique pour le Mustang : une augmentation de la température de 6 à 10 degrés est attendue d’ici la fin du siècle. Face à cette réalité, les mesures techniques possibles ne résoudraient le problème qu’à court terme, et la question se poserait à nouveau dans un avenir plus ou moins proche.
Il semble donc impossible pour Samdzong et Dheye de s’adapter à leur habitat actuel en réduisant la quantité d’eau disponible, c’est-à-dire en réduisant la productivité agricole. Des trois, Yara est le seul village qui pourrait parvenir à réduire la consommation d’eau, et donc la production agricole, en diversifiant ses activités économiques, grâce à sa situation géographique le long d’une route touristique.
Les habitants de Samdzong et de Dheye ont décidé de s’installer respectivement sur les terres de Namashung, (bassin versant six fois plus grand que celui de Samdzong) et de Thangchung, (bassin versant trente-six fois plus grand que celui de Dheye), les deux alimentées par des sources d’origine au moins partiellement glaciaire. Cela assurera une quantité d’eau suffisante pour les villages, en tout cas jusqu’à la fin du siècle et probablement même au-delà. Bien que les anciens des deux communautés quittent leur village à contrecœur, la forte cohésion sociale, le sens profond de la communauté et l’inquiétude pour l’avenir de la jeune génération les incitent à s’adapter à la décision de la majorité.
Pour assurer l’approvisionnement en eau (eau potable et eau d’irrigation pour les champs) dans le nouveau village de Dheye et améliorer la collecte et la distribution de l’eau à Yara, Kam For Sud a fourni des conseils techniques spécifiques dans le cadre d’une deuxième phase de projet.
Kam For Sud s’est distancié du projet de relocalisation de Samdzong au motif que le site proposé pour la nouvelle implantation a été jugé dangereux. Il existe en fait un risque d’effondrement d’un lac glaciaire en amont, qui provoquerait une grave inondation soudaine. D’autre part, deux coulées de débris attribuables à l’effondrement de lacs glaciaires dans le bassin de la Chumaka Khola (survenues en 1984 et 1987) ont déjà envahi la zone désignée pour les futurs camps de Namashung avec du gravier et des blocs d’une taille allant jusqu’à plus de 2 mètres cubes.
Le village de Dheye, avec le soutien d’une ONG française, a construit un nouveau village à Thangchung, tout en conservant l’ancien village comme une sorte d’alpage.
Le village de Yara a relevé le défi de rester sur ses propres terres et de diversifier ses activités économiques. Dans une troisième phase du projet, Kam For Sud a donc offert aux familles sans terre du village de Yara un troupeau de cent chèvres dans le cadre d’un programme de microcrédit et a mis en place un verger communautaire au profit de l’ensemble de la communauté.
Compte tenu de l’intérêt suscité par le verger dans la région, en collaboration avec l’ONG française Bessin-Népal, le même a ensuite été proposé aux cinq villages du district : Yara, Ghara, Dheye, Tange, Surkhang/Dhi. Dix variétés différentes de pommiers ont été plantées, soit environ quatre-vingts arbres dans chacun des cinq villages. Un accompagnement technique est toujours en cours pour ce qui concerne la gestion des vergers (irrigation, taille, apport d’engrais, lutte contre les parasites, greffage).